« Le logement social est une chance pour les territoires, afin d’offrir un logement décent aux plus modestes et de maintenir des solutions de logement abordable »

Grand témoin

Interview de Marianne Louradour, Directrice régionale Ile-de-France de la Banque des Territoires

En 2018, la Caisse des Dépôts (CDC) a créé la Banque des Territoires. Pourquoi cette nouvelle structure ?  Quelles sont ses missions ?

Marianne Louradour : La Banque des Territoires a été lancée le 30 mai 2018 par Eric Lombard, Directeur général de la Caisse des Dépôts et Olivier Sichel, Directeur de la Banque des Territoires, pour répondre à notre ambition stratégique d’accompagner les grandes transformations du pays et agir pour réduire la fracture territoriale et les inégalités sociales. La stratégie de transformation de la Caisse des Dépôts vise notamment à apporter des solutions plus rapides et sur-mesure aux territoires et à tous nos clients, collectivités locales, organismes de logement social, entreprises publiques locales et professions juridiques.

La Banque des territoires est une ambition, un périmètre de cohérence stratégique qui associe les fonctions de conseil, de financement et d’opérateur et une marque qui vise à doter le Groupe Caisse des Dépôts d’une identité visuelle forte et à permettre une reconnaissance dans les territoires et la bonne compréhension de nos actions. Nos modalités d’accompagnement des territoires sont bien identifiées : le financement de l’habitat et du secteur public, les investissements en fonds propres, les services bancaires, dépôts spécialisés et consignations, le conseil et l’ingénierie avec la contribution de la SCET, les capacités de gestion et de développement d’un grand opérateur de logement social et intermédiaire avec CDC Habitat.

En fonction du besoin du territoire, la Banque des Territoires peut intervenir à toutes les étapes d’un projet, en amont comme en aval.

Quels sont les grands enjeux et conséquences pour les organismes franciliens de logement social ?

Pour les organismes de logement social en Ile-de-France, les enjeux sont les suivants :

  • le logement d’abord (plus de 700 000 demandeurs de logements sociaux, 100 000 personnes tous les jours dépendant des dispositifs d’accueil en hébergement),
  • la rénovation urbaine avec 102 quartiers en politique de la ville,
  • l’éradication des dernières passoires thermiques encore existantes dans le parc Hlm et la rénovation énergétique du plan initiatives copropriétés et des ORCOD,
  • le programme Cœur de ville (23 villes concernées en Grande Couronne de l’Ile-de-France).

Nous avons cherché à donner le maximum de visibilité aux bailleurs sociaux pour qu’ils puissent continuer à investir. Notre offre d’accompagnement a été renouvelée et diversifiée avec une palette d’interventions élargie dans le cadre des Plans Logement 1 et 2 avec près de 20 Mds€ de dispositifs dédiés à l’accompagnement du secteur. Ces plans nous permettent d’apporter des réponses de premier ordre aux côtés de l’Etat, des collectivités et des bailleurs sociaux à la crise du logement abordable qui impacte la vie quotidienne de centaines de milliers de personnes en Ile-de-France, situation qui nuit aussi à l’attractivité de la région.

Notre contribution dans ce contexte a été de réaffirmer les valeurs fortes du modèle Hlm, comme l’a fait le Directeur Général Eric Lombard lors du 80ème Congrès de l’USH à Paris : financer le logement populaire par l’épargne populaire. L’épargne centralisée à la Caisse des Dépôts constitue le socle du financement du logement social en France, dispositif qui nous est envié et est actuellement étudié par plusieurs pays européens.

« Nous avons cherché à donner le maximum de visibilité aux bailleurs sociaux pour qu’ils puissent continuer à investir. »

Selon vous, quelles sont les trois évolutions les plus marquantes qu’a connues le secteur du logement social depuis trois ans ?

Ma première remarque sera d’observer que, dans un contexte de pression foncière considérable et de tension sur les prix, les bailleurs sociaux ont répondu très significativement aux attentes sociales, environnementales et urbaines de l’habitat en Ile-de-France au cours des 3 dernières années. Ils ont porté le volume moyen des agréments à 31 700 en hausse de 20% par rapport aux 8 années antérieures, avec une programmation en PLAI en hausse moyenne de 48,7%, le tout en développant significativement les réhabilitations énergétiques. Mais, force est de constater que cet effort reste encore insuffisant par rapport aux besoins exprimés. Force est de relever aussi la rudesse de l’équation financière.

Ma deuxième remarque porte sur la simultanéité des enjeux à prendre en compte par les bailleurs sociaux depuis 3 ans, particulièrement complexe en Ile-de-France. Il s’agit d’une part de maintenir un haut niveau d’investissement pour la production neuve, la réhabilitation du parc, le lancement opérationnel du NPNRU, les actions Cœur de Ville, la résorption de l’habitat indigne et le plan Initiatives Copropriétés. D’autre part, il convient d’avancer dans le cadre budgétaire défini par les lois de finances depuis 2018 et dans la mise en œuvre de la Loi Elan qui encourage le regroupement des organismes pour gagner en efficacité et renforcer leur solidité financière. Les démarches de regroupement (fusion, absorption, SAC, adossement à un groupe…) des organismes peuvent demander du temps et nécessitent que soient traités en profondeur les aspects juridiques, fiscaux, de gouvernance et les modèles de fonctionnement des équipes. La Banque des Territoires accompagne plusieurs de ces projets territoriaux, en co-finançant des études tout en restant évidemment totalement neutre par rapport aux projets élaborés.

Ma troisième observation concerne l’innovation du secteur depuis 3 ans au service de projet urbains harmonieux, mixtes et solidaires avec des réalisations qui prennent en compte la colocation, l’habitat intergénérationnel, les résidences autonomie pour les personnes âgées, l’urbanisme transitoire, l’adaptation des formules d’accession sociale avec la mise en place d’offres par les Offices Fonciers Solidaires en bail réel solidaire, mais aussi le développement des services digitaux, le BIM, l’engagement des opérateurs dans les enjeux de la Smart City.

La Banque des Territoires se mobilise aux côtés des opérateurs et des territoires pour accompagner ces évolutions importantes et structurantes.

L’innovation du secteur Hlm : au service de projet urbains harmonieux, mixtes et solidaires avec des réalisations qui prennent en compte la colocation, l’habitat intergénérationnel, les résidences autonomie pour les personnes âgées, l’urbanisme transitoire, l’adaptation des formules d’accession sociale (…), mais aussi le développement des services digitaux, le BIM, l’engagement des opérateurs dans les enjeux de la Smart City.

La Banque des Territoires apporte donc son soutien à des actions innovantes d’organismes franciliens. Pouvez-vous nous donner des exemples ?

Au-delà du financement en prêt, comme je l’indiquais lors des 2èmes rencontres de la Banque des Territoires Ile-de-France avec les bailleurs sociaux franciliens, nous sommes en mesure d’accompagner les bailleurs franciliens en investissement et d’accompagner certaines de leurs actions innovantes.

La Caisse des Dépôts a par exemple mis des fonds propres dans Tonus Territoires pour donner aux bailleurs la possibilité de faire de l’Usufruit Locatif Social Institutionnel. La nouvelle circulaire de la DHUP ouvre les perspectives de stratégies territoriales clarifiées, y compris en ANRU, pour développer, sans mise de fonds propre des bailleurs, un complément d’offres locatives sociales.

Mais je veux surtout rappeler que la Banque des Territoires en Ile-de-France est un investisseur très actif opérant avec de multiples partenaires, à hauteur d’environ 150 M€ par an de fonds propres dans de multiples projets pour rendre les territoires plus attractifs, plus connectés, plus durables et plus inclusifs.

Nous souhaitons trouver ensemble comment innover à partir de cette ressource d’investissement. La Loi Elan a ouvert aux opérateurs sociaux la possibilité de créer des filiales ; la Banques des Territoires propose de se mettre à disposition des projets des bailleurs sociaux annexes à leur activité principale : commerces, réseaux d’énergie, parkings, services, etc.

Je suis convaincue que de tels projets, potentiellement inter-organismes, ont du sens pour les bailleurs sociaux dans les territoires lorsqu’ils permettent à la fois d’améliorer les services de proximité au bénéfice des habitants, de mieux valoriser les patrimoines et de mutualiser les risques. La Banque des Territoires travaille de longue date avec le mouvement Hlm pour trouver des adaptations, des innovations favorables au développement pérenne de son cœur de mission. C’est bien dans cet esprit que s’inscrit cette initiative.

« Au-delà du financement en prêt, nous sommes en mesure d’accompagner les bailleurs franciliens en investissement et d’accompagner certaines de leurs actions innovantes. »

La Banque des Territoires a participé au financement des expositions « Coopérations, l’habitat social francilien en transition » & « posters carto » et vous avez été très présente sur l’espace Ile-de-France au Congrès Hlm. Quel est le sens de cet engagement auprès de l’AORIF ?

Le 80ème Congrès de l’Union sociale pour l’habitat en septembre 2019 à Paris a été l’occasion, en présence d’Eric Lombard et d’Olivier Sichel, de montrer la mobilisation et l’innovation de la Banque des Territoires en faveur des bailleurs sociaux, en réponse aux enjeux du logement abordable.

Dans ce cadre, la Direction régionale IdF a été partie prenante de 3 conventions régionales : un protocole de coopération avec l’Office Foncier Solidaire La Coopérative Foncière Ile-de-France, un protocole du Réseau des partenaires de l’habitat Ile-de-France (entre l’AORIF, l’AdCF, France Urbaine, l’Institut Paris Région, la Banque des Territoires, Action Logement et l’Ecole d’Urbanisme de Paris) et l’accord Préfet de Région Ile-de-France – Banque des Territoires – AORIF pour accélérer le développement et la mise en service des logements sociaux en Ile-de-France. Nous avons aussi signé des conventions de partenariat avec de grands clients comme Paris Habitat, Adoma et Polylogis.

Si la Direction régionale a aussi apporté son soutien aux actions menées par l’AORIF pour l’exposition « Coopérations, l’habitat social francilien en transition », c’est d’abord pour la qualité artistique de l’exposition et de son catalogue : il s’agit de formats réalisés par le photographe Cyrus Cornut de logements réhabilités et de logement neufs qui répondent aux enjeux de la transition énergétique, de la cohésion sociale et de l’innovation architecturale. L’exposition et le catalogue valorisent l’ensemble des territoires franciliens (les différents départements, les types de quartiers, en urbain dense, en zone périurbaine, en seconde couronne, etc.). Cette exposition était un rendez-vous pour valoriser un patrimoine qui bénéficie aux franciliens modestes.

Egalement co-financée par la Banque des Territoires, la cartographie sur le logement social en Ile-de-France, réalisée pour l’AORIF par l’Institut Paris Region, montre le logement social comme élément de la solidarité territoriale et participant à l’efficacité de la dynamique métropolitaine.

Ces actions témoignent aussi et bien sûr de notre attachement au partenariat avec l’AORIF car, au-delà de l’excellence des rapports que nous avons d’équipe à équipe, il s’agit d’échanger de manière continue pour faire prendre en compte les spécificités franciliennes et répondre ensemble aux immenses enjeux du territoire de l’Ile-de-France.

Le logement social : élément de la solidarité territoriale et participant à l’efficacité de la dynamique métropolitaine.

Enfin, que vous inspire le fil rouge de notre campagne « Logement social en Ile-de-France, IDÉES NEUVES ! » ?

Nous avons immédiatement saisi les enjeux de la campagne « Logement social en Ile-de-France, Idées neuves ! » dont l’objectif est de porter un nouveau regard sur le logement social en Ile-de-France en mettant en avant le dynamisme et la créativité des organismes.

Nous mesurons la nécessité de réaffirmer combien le logement social est une chance pour les territoires, afin d’offrir un logement décent aux plus modestes et de maintenir, notamment dans les zones tendues, des solutions de logement abordable. La mixite est nécessaire à la cohésion sociale.

Je suis persuadée de l’intérêt de cette campagne pour illustrer le rôle que joue le logement social en Ile-de-France au regard de ses besoins, attractivité ou mobilité et pour mettre en lumière les solutions, les innovations et les dynamiques des organismes de logement social. La Banque des Territoires s’appuiera, par ailleurs, sur les bénéfices de cette campagne pour rappeler l’importance des garanties des collectivités locales dans le financement des opérations locatives sociales.

Avec cette campagne « Logement social en Ile-de-France, Idées neuves ! », je constate combien nous sommes proches et conjointement engagés pour accompagner les grandes transformations du pays et agir pour réduire la fracture territoriale et les inégalités sociales.

« Je suis persuadée de l’intérêt de la campagne « Idées neuves » pour illustrer le rôle que joue le logement social en Ile-de-France au regard de ses besoins, attractivité ou mobilité et pour mettre en lumière les solutions, les innovations et les dynamiques des organismes de logement social.»

 

Site internet : www.banquedesterritoires.fr

 

TwitterLinkedInEmailPrint