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#Covid19 – Interview de Jean-Luc Vidon, Président de l’AORIF

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Dépêche AEF du 09/04/2020

Dépêche AEF info n°625526 publiée le 09/04/2020 (par Lina Trabelsi), avec l’aimable autorisation de reproduction de l’agence AEF info.

Au-delà de l’urgence consistant à déployer des plans de continuité d’activité par les bailleurs sociaux, la crise sanitaire du Covid-19 fait émerger de nouvelles interrogations sur les impayés de loyer, la reprise des chantiers, le maintien des attributions… Dans un entretien à AEF info, Jean-Luc Vidon, président de l’Aorif, livre les inquiétudes du secteur dans la région francilienne, notamment celles liées à l’après-crise et à la possibilité de tenir ses objectifs de production.

AEF info : La France est dans sa quatrième semaine de confinement et près de la moitié des salariés ne sont plus être en activité. Disposez-vous de premiers éléments sur les impayés de loyers ?

Jean-Luc Vidon : Nous n’avons pas encore de recul suffisant sur la question car nous venons tout juste de collecter les loyers du mois de mars, nous devrions avoir davantage d’éléments d’ici le milieu du mois d’avril. Néanmoins, le message actuel est le suivant : nous quittançons les loyers car le service continue d’être rendu, mais nous sommes plus que jamais à l’écoute et à la disposition des locataires pour examiner les situations difficiles, ce que certains font déjà, et traiter au cas par cas les situations qui nécessiteraient des adaptations, comme des échéanciers par exemple.

AEF info : Entre l’arrêt des chantiers et la suspension des délais d’instruction de permis de construire, avez-vous déjà une idée du ralentissement des opérations de logement social en Île-de-France ?

Jean-Luc Vidon : Pendant les quinze derniers jours, les bailleurs sociaux se sont d’abord préoccupés de l’arrêt des chantiers. Souvent, après que les entreprises elles-mêmes aient fait savoir qu’elles n’étaient plus en mesure de continuer. Aujourd’hui, presque tous les chantiers de construction et de réhabilitation sont arrêtés en Île-de-France. Parler de redémarrage me semble assez prématuré pour l’instant. Le gouvernement nous incite à les reprendre, mais nous avons un premier souci de visibilité sur les conditions minimales de reprise au regard de l’évolution de l’épidémie. Ensuite, il nous faut l’accord de l’entreprise, de la maîtrise d’ouvrage, de la maîtrise d’œuvre et ce travail reste largement à construire pour l’instant. Un chantier, ce n’est pas seulement l’intervention de compagnons, mais également l’impératif d’un approvisionnement en matériaux. Tant que toute cette chaîne n’aura pas redémarré, les entreprises ne pourront pas reprendre le chantier. Ce processus sera long et complexe, et pose une interrogation à l’ensemble des parties prenantes sur leurs responsabilités.

AEF info : Qu’en est-il des chantiers de réhabilitation ?

Jean-Luc Vidon : En la matière nous faisons face à un autre sujet. Les habitants n’ont pas envie de voir des entreprises dans leur résidence en période de confinement et ce, même s’il s’agit de travaux hors des logements, par crainte de voir trop de circulation dans les espaces communs.

AEF info : La période de confinement pose le problème du maintien des attributions, qui trouve un écho particulier en Île-de-France. Quelles sont vos remontées du monde HLM francilien ?

Jean-Luc Vidon : Un travail entre la Drihl, l’Aorif et Action logement a été lancé au lendemain du confinement sur cette question. Sans trop de surprise, il en ressort que les mouvements dans le patrimoine HLM sont aujourd’hui bloqués, sauf exceptions (relogement de victimes de violences conjugales). Le processus d’attribution, lorsqu’il se poursuit, ne peut guère aller au-delà du passage des dossiers en commission d’attribution de logements.

En la matière, certains bailleurs sociaux ont réussi à organiser des CAL sous forme dématérialisée, ce qui nécessite d’être suffisamment outillé. Ceux qui ne le sont pas vont devoir le réduire ou l’arrêter, même si nous n’avons pas d’éléments statistiques qui permettent d’en témoigner. Ensuite, pour que la commission puisse se tenir, il faut que les réservataires puissent adresser des candidats, ce qui se fait de manière très disparate. Pour l’heure, le maintien des CAL permet de traiter les dossiers déjà engagés et qui peuvent avancer. L’État et Action Logement entendent bien continuer à nous présenter des candidats mais si le confinement devait encore durer, la source finirait de toute manière par se tarir : les réservataires auront de moins en moins de candidats à nous présenter.

AEF info : Le ralentissement du rythme de construction et des attributions remet-il en cause l’accord signé entre l’Aorif, la Drihl et la direction Île-de-France de la Banque des territoires sur l’accélération du développement de logements sociaux ?

Jean-Luc Vidon : Nous avions fait le point sur ce dossier peu avant le confinement et nourrissions l’espoir de tenir les grands objectifs de cet accord. Aujourd’hui, le processus est en pause mais il faudra évidemment le reprendre car il sera plus que jamais d’actualité dans une période marquée par une crise aussi grave. Nous aurons besoin de travailler à l’issue sur la programmation dans toutes ses dimensions – volumes, qualité, typologies.

Il faut également éviter que la sortie de crise ne soit marquée que par des effets d’annonces sur de très gros volumes de construction car le redémarrage sera progressif et les entreprises franciliennes auront une capacité limitée d’absorption des chantiers. Et un effet d’annonces pourrait aussi être source d’augmentation des prix auquel nous restons attentifs. Ce dont nous avons vraiment besoin, c’est d’un engagement de tous les acteurs du logement dans la durée, sur les trois, quatre ou cinq prochaines années, afin de redéfinir une ambition sur le niveau de construction et des objectifs de mobilité dans le parc.

AEF info : Cela reviendrait à réviser certains objectifs, comme ceux du SRHH ?

Jean-Luc Vidon : Il faudra peut-être se poser la question de l’ambition en nombre de logements. Atteignons déjà les 37 000 agréments fixés par le SRHH actuel, il n’est pas nécessaire de fixer un objectif de construction inaccessible alors que nous sommes déjà loin d’atteindre celui fixé depuis plusieurs années [28 594 agréments ont en effet été délivrés en 2019].

Cette crise fait aussi apparaître l’importance du logement abordable dans notre région. J’observe que les personnes dont le pays a besoin aujourd’hui, les soignants, artisans, caissiers, salariés des transports ou fonctionnaires municipaux et qui jouent un rôle essentiel sur le terrain pour gérer cette crise, sont ceux qui ont besoin du logement social. La proximité entre domicile et travail est essentielle et on le voit bien dans une période comme celle-ci. Il faudra la prendre en compte davantage. Alors que nous passons d’une gestion en stocks à une gestion en flux des contingents, il faudra examiner d’une façon plus particulière dans quelles conditions l’Île-de-France loge ceux qui permettent le bon fonctionnement de la région sur le plan opérationnel et quotidien.