Interview de Jean-Luc Vidon, président de l’AORIF
Publiée le 06/10/2020
Interview n° 195163 publiée sur le site de News Tank Cities le 6 avril 2020 (accès réservé aux abonnés), avec l’aimable autorisation de reproduction de News Tank Cities.
En 2019, la production de logements sociaux était en-deça des objectifs fixés en Île-de-France. Quel constat faites-vous en 2020, notamment dans le contexte de la crise sanitaire ?
Jean-Luc Vidon : Au-delà des sujets de rentrée présentés par l’Union sociale pour l’habitat le 15/09/2020, nous avons une forte préoccupation francilienne. La production de logements sociaux est une source d’inquiétude car nous avons pris du retard dans les dépôts d’agréments, du fait de la crise sanitaire. Cette situation devrait aboutir à une production en retrait par rapport à l’année précédente, qui était déjà elle-même en recul depuis 2016. Nous sommes dans une dynamique allant à la baisse alors que la demande augmente et que le taux de rotation dans les logements sociaux diminue. La crise que connaît la région va croître dans les prochaines années.
« Cette situation devrait aboutir à une production en retrait par rapport à l’année précédente. »
Nous avons besoin d’une politique du logement à la bonne échelle, celle de la métropole. Nous avons des politiques territoriales structurées mais toutes les intercommunalités n’ont pas la même maturité. Le PMHH n’est toujours pas approuvé alors qu’il acterait une ambition métropolitaine dans les domaines du logement et de l’hébergement. Il ne semble pas être une priorité, ce qui est dommageable au vu du contexte. Les enjeux de rénovation urbaine se traitent à l’échelle des établissements publics territoriaux. Mais nous ne voyons pas de politiques ou de solidarité métropolitaine sur ces questions.
La priorité doit être la production d’habitat abordable avec des logements sociaux de type PLAI qui correspondent à l’essentiel de la demande. Le logement intermédiaire à sa place en Île-de-France mais la priorité doit demeurer l’habitat social et très social. C’est lui qui apportera une réponse au logement des travailleurs clés.
« La priorité doit demeurer l’habitat social et très social. »
Dans le champ de l’hébergement et du logement d’abord, le compte n’y est pas. Nous partageons cette préoccupation avec le secteur associatif. Il y a eu des efforts et l’État s’est mobilisé en Île-de-France avec des recherches d’habitat intercalaire, le développement de solutions modulaire. Mais l’empilement de l’approche de l’hiver et de la crise sanitaire qui continue, fait que les besoins sont importants et qu’il n’y a toujours pas réponses.
Le renouvellement des mandats municipaux et métropolitains est l’occasion de relancer cette politique du logement à l’échelle de la Métropole ?
Nous sommes en début de mandat et c’est maintenant que les politiques du logement se construisent à l’échelle des intercommunalités et des villes. En ce moment, les élus choisissent s’ils veulent agir rapidement ou prendre le temps. Je voudrais rappeler à l’ensemble des acteurs du logement et des collectivités qu’il y a urgence à agir. Il faut prendre en compte la problématique environnementale et la question de l’artificialisation des sols en est une. Le besoin d’espace et de logement de qualité est un sujet que nous devons traiter, pour autant cela ne peut conduire à un blocage qui conduirait l’Île-de-France vers une crise.
« Les bailleurs sociaux ont des opérations et répondront présents. »
Il faut une prise de conscience sur cette nécessité d’agir rapidement. Les bailleurs sociaux ont des opérations et répondront présents à ces démarches mais ils ne peuvent les initier. Le pouvoir de mettre en place un programme local de l’habitat est du ressort des collectivités. Et si des blocages existent, notamment dans l’accès au foncier, cet enjeu se maîtrise aussi. Il est le résultat d’une politique locale de l’habitat.
« La signature d’un PMHH marquerait une volonté des élus de mettre en place une politique du logement. »
La question du logement est prise en compte mais la politique métropolitaine du logement ne doit pas être une addition des politiques territoriales. La signature d’un PMHH marquerait une volonté des élus de mettre en place une politique du logement. Ce serait un acte politique fort qui doit permettre de discuter avec les élus pour rappeler le besoin d’une politique métropolitaine. Cela devrait aussi faciliter les choses pour traiter la question de la rénovation urbaine d’une façon davantage partagée.
Emmanuelle Wargon, ministre chargée du logement, à appeler à « rattraper le retard » pris pendant la crise sanitaire en matière d’agréments. Est-ce suffisant ?
En cette fin d’année 2020, le sujet va être difficile. Les retards d’agrément sont pour partie liés à la crise sanitaire, au retard des élections municipales et au fait que des équipes sont en train de s’installer et de prendre connaissance des dossiers. Des projets peuvent être ajournés, rencontrer de la frilosité. Il faut préparer 2021 et éviter de poursuivre cette dynamique préoccupante.
« Il faut préparer 2021 et éviter de poursuivre cette dynamique préoccupante. »
Sur la simplification des agréments et des dispositions en cours de propositions et d’examen, certains rejoignent ce qu’on avait imaginé avec le préfet de Région et la Banque des territoires. Il s’agit de permettre de déposer les agréments tout au long de l’année sans attendre le dépôt en septembre. Il faut que la demande d’agrément repose sur un fondement, à savoir la disposition d’un terrain et l’accord de la collectivité locale car si nous simplifions trop le risque est de déposer des agréments qui sont des intentions. La hausse du nombre d’agréments risque alors d’être artificielle. Il s’agit de trouver un point d’équilibre entre la simplification des procédures tout en veillant à ce qu’un agrément corresponde à un projet identifié, validé par la collectivité.
Est-ce que la réforme des agréments, qui doit être appliquée fin 2021 ou en 2022, pourrait permettre de répondre aux problématiques rencontrées cette année ?
Ce travail sur les agréments est un outil mais le sujet véritable est la volonté politique de produire des logements abordables en Île-de-France. Les procédures techniques vont sans doute apporter des améliorations mais le sujet reste l’ambition délivrée par l’État et les collectivités. Cette ambition se traduit par l’appui porté au bailleur pour que les opérations se réalisent rapidement. L’enjeu est aussi l’équilibre entre la VEFA et la maîtrise d’ouvrage directe. Les bailleurs sociaux pourraient aussi avoir directement accès au projet, ce qui permet de produire des logements qui correspondent vraiment à nos besoins. Il est aussi nécessaire de construire des pensions de familles et nous les trouvons rarement sur des opérations proposées par les promoteurs.
Comment se déroule la mise en œuvre de la réforme des attributions en Île-de-France ?
L’USH a sans succès demandé un report de la mise en application de la réforme des attributions. À l’échelle régionale, les services de l’État se sont emparés du sujet pour permettre une approche cohérente au niveau de l’Île-de-France. Les objectifs d’attribution ne peuvent pas être l’addition des objectifs de chaque réservataire sur chaque territoire. Pour mettre en œuvre la gestion en flux, nous avons besoin d’une réflexion régionale pour prendre en compte les besoins des locataires et rappeler les objectifs de mixité sociale et de solidarité territoriale.
« Les objectifs d’attribution ne peuvent pas être l’addition des objectifs de chaque réservataire. »
Nous souhaitons pouvoir mener ce travail pour que cette réforme ne se traduise pas par des exclusions. Le contexte est contrainte, il faut apporter une réponse aux publics prioritaires, au logement des salariés, des jeunes. Des travaux ont été engagés par la DRIHL pour réunir l’ensemble des acteurs du logement et travailler sur les réservations. Il s’agit de bâtir un équilibre qui permettra de mieux répondre aux besoins le jour où la production pourra repartir.